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MAURIN DES MAURES

un jour à Antonia, il n’avait pas voulu cependant « brusquer les choses », reconnaissant de bonne grâce qu’il ne suffisait pas de s’être montré trois fois à une jeune fille, et chaque fois durant quelques minutes à peine, pour être certain de n’avoir pas quelque rival secrètement préféré.

Depuis un mois tout au plus, le garde nouveau était installé dans la maison forestière du Don, et le gendarme, appartenant à la brigade d’Hyères, ne pouvait venir au Don, dans la commune de Bormes, qu’en voisin…

Maurin avait surpris le mouvement d’impatience du gendarme et il en avait aisément deviné la cause.

Il vint s’asseoir près des deux gendarmes dont il n’avait rien à redouter, s’étant toujours gardé avec soin de chasser en temps prohibé et sur des terrains interdits, — ou du moins de s’y laisser prendre.

— Grivolas ! du café ! du café bien chaud ! cria-t-il.

— Tu as donc soupé, Maurin ?

— J’ai toujours soupé, moi ! dit-il. Dès que j’ai faim, tu sais bien, — je mange, n’importe où je suis. Et je soupe toujours sans soupe. Voilà pourquoi le bon café me réjouit plus qu’un autre.

Il but une gorgée de café brûlant avec une satisfaction visible, et se mit à bourrer sa pipe lentement.

Presque tous le regardaient avec beaucoup de curiosité. C’était un homme légendaire que ce Maurin, un homme qui faisait « sortir du gibier aux endroits où il n’y en avait pas ». Et quel tireur, mon ami ! Bête vue était bête morte. Toujours chaussé d’espadrilles, il parcourait en silence les bois, les mussugues (coteaux couverts de cistes), les lits pierreux des torrents, les