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MAURIN DES MAURES

parce que j’ai toute confiance en l’intelligence de mon interlocuteur ; je veux l’amuser par l’excessif de mes phrases ; mais j’entends qu’il les mette au point, je lui fais l’honneur de compter sur lui, et en cela je parle selon le génie et en même temps selon la sottise idéaliste du Provençal. Les Provençaux ne devraient galéger qu’entre eux. Le reste de l’univers ne les comprend pas.

— Je suis bon Provençal et je vous comprends, calmez-vous, mon cher Cabissol : mais avouez qu’en parlant de Maurin et de Pastouré, que j’aime comme vous les aimez, vous les transfigurez un peu trop vite en héros infaillibles.

— Je dis, riposta M. Cabissol avec beaucoup de vivacité, et je soutiens que Maurin est un idéaliste, qu’il croit à la bonté de ses congénères les paysans, et qu’il se prépare ainsi des jours cruels.

— Eh ! je ne vous dis pas autre chose à vous-même, mon cher Cabissol ; vous voyez trop facilement en beau les êtres et les choses : je vous crois incapable d’accepter l’idée d’un petit défaut dans notre Maurin ou d’une tache au soleil. C’est un tort.

— C’est à moi que vous faites ce reproche ? Voyons, mon cher monsieur Rinal, écoutez-moi bien, je suis sûr que vous pensez comme moi : Maurin, à mes yeux, représente la partie spirituelle de notre pays, l’âme populaire de nos campagnes. Il marche en avant, c’est un guide. Pastouré, lourd et sentimental, le suit et le suivra partout et toujours. Et, à eux deux, avec leur gaucherie, leur suffisance et leurs insuffisances (on n’est pas parfait), ils nous sauveraient, — ne fût-ce que par leur gaîté — de plus d’un chagrin national ! Donc, les individus nommés Maurin et Pastouré méritent d’exciter mon