Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
MAURIN DES MAURES

Et dans la chapelle, Tonia disait maintenant : « Sainte Vierge couronnée, ce n’est plus moi, mais lui qu’il faut convertir ! »

Du haut de Notre Dame-des-Anges, le sommet le plus élevé des Maures, le spectacle est magnifique.

À l’horizon, vers le sud, par delà le moutonnement des collines aux vagues de verdure, la mer bleue flamboyait, berçant à pleine houle les Îles d’or.

Pendant que Maurin enlevait soigneusement une épine de la patte de son chien, l’ermite, qui habite une cabane près de la chapelle, montrait les îles à Tonia :

— Et d’ici, disait-il, quand il fait beau temps, on voit même la Corse !… Tenez, tenez, la brume a fondu ; voyez cette ligne là-bas, si mince, c’est elle, c’est la Corse !

— Un fameux pays ! dit Tonia, où l’on sait ce que c’est qu’un serment, et ce que c’est qu’une vendetta.

— Vous la connaissez, la Corse ?

— Je suis Corsoise, répondit-elle en regardant d’un air menaçant Maurin qui s’avançait.

Et Maurin saluant l’ermite :

— Bonjour, saint homme ! fit-il. Vous voyez deux amoureux qui se contenteraient de votre bénédiction, si avec ça vous leur donniez la table et le couvert. J’ai des perdreaux au carnier ; pour la salade nous comptons sur vous ; pour les champignons aussi, et surtout pour le café chaud. Le café ! dites-moi si on peut boire quelque chose de meilleur ? Rien ! Rien !

— Il y a à cela une raison, dit l’ermite, c’est que cette graine toute brûlée et par conséquent couleur de nègre fut apportée au berceau de Jésus par un des rois mages, celui qu’on nomme Gaspard, et qui était noir comme… l’âme de Simon.