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MAURIN DES MAURES

— Eh ! répondit cet âne de clion avec une insolence qui était un blasphème, s’il ne peut pas passer par le chemin, le bon Dieu, il volera !

— Bon ! dit Maurin, et la fin de l’histoire ? Si elle vaut le commencement, tu auras encore deux sous.

— Elle vaut davantage, dit l’ermite, mais pour vous il n’en sera que ce prix. À Lourdes, vous paieriez la même beaucoup plus cher. Or donc la procession se mit à monter la colline, et tout le monde en route chuchotait, maugréant contre la réponse sacrilège de cet âne de bossu.

— Dieu, disait-on, pourrait bien nous punir tous de l’insolence de cet âne rouge !

« Et, tenez, voilà que se lève un mistral, à arracher la queue d’un âne. Bouffe, mistral ! quelle sizampe !… » Quand la procession arriva sur ce plateau où, au bord du chemin, il y a un grand précipice tout en rochers, le mistral qui soufflait en tempête, par la permission de Dieu juste, enleva le chapeau de cet âne de clion ! Le clion voulut retenir son chapeau, sauta, la main tendue pour le rattraper en l’air, perdit pied, et, soulevé par la bourrasque comme une plume, il descendit dans l’abîme à la suite de son chapeau… Dieu ait son âme ! Et les gens tout de suite s’écrièrent :

« — Té ! l’âne a volé ! Le bon Dieu l’a puni ! L’avez-vous vu voler, cet âne ? »

— Je regrette mes quatre sous, fit Maurin. Mais alors, dis-moi un peu : à Gonfaron, ce n’est pas les ânes qui volent, comme je l’ai cru bonnement jusqu’ici ? ce sont les Gonfaronnais ?

— Espérez un peu, dit l’ermite gravement. Par la suite des temps, on oublia cette aventure ; et tout ce qui