— Des têtes de quoi ? interrogea Maurin.
— D’alligators, dit Caboufigue.
— C’est, je crois, une sorte de bœuf ? demanda Maurin.
— Non, dit Caboufigue, c’est une manière de crocodile.
— Berger de crocodiles, dit Maurin sans s’étonner, ça devait t’arriver, ça, gros goulu ! Et qu’est-ce qu’ils rendent, tes crocodiles ?
— Ils rendent des bottes pour les gentlemen et des bottines pour les ladies. Le prince de Galles m’en a déjà commandé douze paires.
— Et c’est pour arriver à être cordonnier que tu te donnes tant de peines, mon pauvre Caboufigue !
— Cordonnier ! se récria le démocrate Caboufigue indigné.
— Quand tu ferais des savates avec la peau des anges, dit Maurin méprisant, la qualité de la peau ne te changerait pas ton métier…
— C’est une affaire qui étonnera le monde, mon affaire d’alligators, dit Caboufigue. Une affaire d’or. Tout l’hiver, mes bêtes dorment. Donc, elles n’ont pas besoin de nourriture pendant ce temps-là. Et le reste du temps, comme elles n’aiment que la viande gâtée, je les nourris gratis en débarrassant les marchés publics et les fabriques de conserves de toutes leurs pourritures.
— Alors, dit Maurin, que leur restera-t-il, à celles-là ?
— Ce qui m’embête, dit Caboufigue, c’est que les grands alligators ont l’habitude de dévorer les petits.
— Ça ne devrait pas t’étonner, dit Maurin.
— Ça ne m’étonne pas du tout, mais ça me porte