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MAURIN DES MAURES

comme un homme, et, en échange, à vous deux vous aurez bonne part de mon manger et de mon boire. Le lapin sauvage rôti est une nourriture de princes !

— C’est convenu ! fit le second gendarme. Il parle avec bon sens. Je n’aurais pas trouvé ça.

Ils allèrent dans le cimetière des moines, encadré par les arcades du cloître, sous lesquelles s’ouvrent les cellules délabrées.

— De ce côté-là, expliqua Maurin désignant le nord, les chambrons s’ouvrent sur le précipice. Je serai donc mieux, pour votre tranquillité, dans un de ceux-là.

Il savait bien qu’on ne lui en donnerait pas d’autre. Les gendarmes choisirent une cellule avec les soins les plus méfiants. Par la fenêtre sans boiserie, aux appuis à demi écroulés, on voyait, en se penchant, vingt mètres de précipice ! Ce chambron ayant servi naguère, selon toute apparence, à mettre en sûreté des outils de paysan, avait une porte raccommodée, solide, qui s’ouvrait du dedans au dehors.

Maurin fut délié.

— Qui m’aurait dit, fit-il en soupirant, que le ventre de ma mère et ma caisse de mort ne seraient pas mes seuls cachots, celui-là m’aurait bien étonné ! Les mains attachées, je ne les ai jamais eues, non plus que la langue. Tenez, gendarmes que Dieu bénisse, voici le lapin cuit, qui sent la farigoule et le romarin dont Pastouré l’a bourré avant de le mettre sur le feu… Donnez-m’en un tiers. Et du pain, donnez-m’en ma part ; et du vin, hélas ! je n’en ai que deux flasques. Prenez le plus gros. Voici de l’aïguarden encore. Et faisons chacun nos affaires, vu qu’elles pressent. J’ai une faim de chien… Ah ! mon pauvre Hercule ! tu m’embarrasserais bien à