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MAURIN DES MAURES

comment te vas-tu tirer de là ? Des filles, n’en avais-tu pas tant qu’il te plaît, et des femmes de tous les âges et de tous les plumages, — même en chapeau ? Mais il te faut une Corsoise ! et il t’en cuira, je te l’annonce ! Une Corsoise fiancée à la gendarmerie et fille d’un garde-forêts ! Il t’en cuira, et, té ! c’est moi qui te le dis, Maurin, — tu t’es comporté, ce soir, avec cette aventure, comme un âne, m’entends-tu, comme un âne, je te le répète !

Sur ce mot, le monologue de Parlo-Soulet fut interrompu par une voix forte, qui sonna clair dans la nuit noire :

— Ne me dis pas du mal de moi, Parlo-Soulet ! que je suis là ! et que je pourrais te croire ! Ah ! c’est comme ça que tu te parles sur mon compte quand tu penses que je n’entends pas ?

C’était la voix de Maurin. Persuadé que Parlo-Soulet à son habitude allait se mettre à parler tout haut dès qu’il se verrait seul, Maurin s’était assis à quelques pas de lui pour l’écouter à son aise.

— Et tu crois bonnement, répliqua la voix calme de Pastouré, que je ne te savais pas là ? Je te savais là, mon homme, et bien aise j’en étais, car je ne parle volontiers qu’étant tout seul ou quand je me semble seul… ce qui pour moi est tout comme… N’avance pas, que, si je te voyais, je ne me dirais plus rien !… Et surtout ne réponds pas !… Si je parle seul, âne que tu es, ce n’est pas sans raison, tu penses, Il y a longtemps que tu le devrais savoir, c’est parce que je n’aime pas les oui, les non, les mais, les si, les mais alors. Dès qu’on est deux, l’un dit blanc, l’autre dit noir, et l’on se dispute.