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MAURIN DES MAURES

Il entendit venir ses geôliers et à peine touchaient-ils la porte qu’il leur dit, avec la voix d’un homme qui mange, la bouche pleine :

— Il vous manque quelque chose ?

Aussi, quand brusquement, la porte s’ouvrit, les gendarmes le trouvèrent-ils assis à terre devant son carnier grand ouvert, la bouteille au poing, prêt à boire et mangeant lentement, comme un homme qui n’a rien de mieux à faire.

— Ton carnier, donne-le, dirent-ils.

— Prenez-le, fit Maurin, mais vous n’êtes pas aimables.

« Croyez-vous que je vais le gonfler en ballon et ensuite m’asseoir dessus pour m’envoler par la fenêtre ?

Dans le carnier béant qu’ils visitèrent, ils ne virent rien de suspect et s’étant regardés encore pour se demander ce qu’il fallait faire, ils sortirent, disant :

— Allons ! il est sage… Nous te le laissons, ton carnier.

Ils ressortirent, étayant de nouveau la porte avec la poutrelle.

Maurin les écouta s’éloigner, puis causer ensemble, d’une voix alourdie par le plaisir du repos et de la sécurité. Par un trou de la porte, il put même les voir paisiblement assis l’un près de l’autre. Alors, les surveillant de temps à autre d’un regard furtif, il prépara, en toute hâte et adresse, la fuite méditée. Pour accrocher la corde dans la cellule, rien. Pas un clou sur la porte. Pas une ferrure à la fenêtre. Il coupa contre le mur extérieur une branche de lierre des plus fortes. Il agissait sans bruit, comme un renard qui frôle à peine la broussaille… Avec un morceau de sa corde, il attacha