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MAURIN DES MAURES

— Je comprends maintenant pourquoi tu avais les yeux rouges, Tonia, quand je suis entré. Ta gaieté de maintenant m’explique trop bien ta tristesse de tout à l’heure…

Et masquant son dépit de gendarme sous sa jalousie et sa colère d’amoureux, il cria violemment :

— Il faudra que cela change, Tonia ! je te préviens que si je m’aperçois de la moindre chose dans l’avenir, je cesserai de te voir et de t’aimer. Un mari, tu en chercheras un autre.

— Je ris, dit-elle redevenant sérieuse, je ris, comme c’est mon droit, de ce qui est risible…

— En effet, dit l’autre gendarme ; cette jolie fille, Sandri, a vraiment le droit de rire de notre bêtise.

— Toi, tais-toi ! cria Sandri.

Avec beaucoup de dignité, trouvant que sa fille en ce moment n’avait pas tous les torts, Orsini prit la parole :

— Tu feras comme tu jugeras bon, Sandri, mais j’aime mieux, au bout du compte, voir rire ma fille que la voir pleurer. C’est une honnête fille, ne l’oublie pas. Quant à la menacer de rompre nos engagements, tu es libre. Il faudrait n’être guère fier pour ne pas te le dire en ce moment et ne pas te le répéter, après ce que tu viens de dire toi-même ! Du reste, si tu fais souvent des beaux coups comme celui d’aujourd’hui, tes galons de brigadier ne te tomberont pas du ciel… ce serait miracle… Et dans ce cas, comme tu le sais bien, pas n’est besoin de chercher sujet à rupture puisque le marché de lui-même sera rompu de notre côté !

Alessandri suffoquait.

— Au revoir ! fit-il. On recausera un autre jour. Pour aujourd’hui, c’est assez ! Le chasseur est excusable d’avoir de l’humeur quand il voit le lièvre qu’il croyait