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MAURIN DES MAURES

« J’ai trouvé cet emploi de mes loisirs ; et l’étude que je fais des physiologies de chacun me permet de deviner parfois, comme une sibylle, la fin de bien des aventures — souvent, même, grâce aux plus faibles indices, de reconstituer les crimes et d’en retrouver les auteurs. Tout à votre service, à l’occasion, monsieur le préfet.

— Il est dommage, dit le préfet, que vous restiez sur un champ d’observation et de bataille aussi étroit : il vous faudrait Lyon ou Paris.

— N’oubliez pas, monsieur, dit Désiré Cabissol, que je travaille pour ma seule satisfaction. Or, j’aime le Midi. On y trouve des caractères si spéciaux ! Ce Maurin, par exemple, qui vous intéresse tant, est une figure digne d’un pinceau de maître ; je la connais dans les détails ; je sais des mots de Maurin qui me réjouissent à l’égal d’un mot de la Palférine dans Balzac et j’ai, de plus, la joie de l’avoir entendu moi-même, ce mot, sur les lèvres d’un personnage que j’ai découvert. Croyez-moi, monsieur le préfet, ni le billard ni le théâtre ne donnent de ces plaisirs-là ; ni même la besogne du romancier, lequel se traîne sur un seul roman imaginaire dans le temps que je mets à en connaître cinquante, qui sont vécus. Je me fais l’effet d’être une sorte d’Asmodée qui soulève les toitures et les crânes, et qui a le don d’ubiquité.

— Permettez-moi de vous dire que vous êtes vous-même une figure très originale.

— Parce que j’ose faire avec largeur tout ce que nos contemporains font petitement, lorsqu’ils suivent à la quatrième page de leur journal toutes les pauvres histoires mal racontées sous la rubrique faits divers ? Cela les passionne beaucoup ; ils ne font pourtant qu’entre-