Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
MAURIN DES MAURES

« — Vous le croirez ou non, monsieur Cabissol, je ne la connaissais ni des lèvres ni des dents. Eh bien ! il me semble que je l’ai toujours connue. »

« Anastasie, secouée par les sanglots, tomba à demi pâmée dans les bras de Mme Labaudufle…

« Alors, doucement, bien doucement, Bédarride lui souffla à l’oreille :

— J’espère que vous êtes contente, ma bonne demoiselle ?… »

« Il prit un temps, puis :

« — C’est cinque franques ! » ajouta-t-il.

« Machinalement, l’honnête commerçante chercha sa poche, d’une main tremblante.

« — Non, non, dit Bédarride discret… je passerai chez vous. Pas ici… Ici, voyez-vous, ça me ferait trop de peine ! »

« Et il disparut, après m’avoir serré la main.

— Et vraiment, dit le préfet, il pleurait de vraies larmes pour cinq francs ?

— Vous lui faites injure. Il pleurait comme pleurent les acteurs et les romanciers sur les situations douloureuses que leur imagination leur représente vivement. Seulement, il pleurait, lui, aidé par son imagination, sur des douleurs trop réelles.

— Mais, dit le préfet, voilà qui nous a entraîné fort loin de notre Maurin.

— En aucune façon, dit Cabissol. Maurin incarne une race, mais il ne saurait, à lui tout seul, nous en donner tous les traits particuliers. Isolé, il perdrait, croyez-moi, quelque chose de son caractère. J’avais besoin de vous montrer l’ambiance autour de lui. Il est un roi. Comme tel, il a plus de dignité que son peuple ; et, même