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MAURIN DES MAURES

aller prendre les bonnes leçons de M. Rinal. Maurin s’exprimait ainsi : de bonnes leçons, — mais des leçons de quoi ? Maurin, qui savait lire à peine, n’aurait pas su le dire ; il voulait seulement que son fils, selon sa propre expression, ne fût pas, dans le temps où nous vivons, le dernier des sauvages, comme son père.

M. Cigalous avait promis d’intercéder auprès de M. Rinal, le savant homme mystérieux, — qui avait, dans son jardin, une lunette à voir la lune !

Maurin était un beau gaillard de trente-quatre ans. Maurin avait fait son service militaire comme marin. Il ne parlait à peu près jamais de cette période de sa vie. Et s’il était forcé d’en faire mention, c’était invariablement dans ces termes : « Du temps où je n’étais pas libre. »

Cependant, il avait pour le métier de marin une admiration sans égale, et, en toute occasion, il la manifestait hautement à sa manière. Il disait, par exemple : « Courbet est un bougre. En voilà un homme !… Ah ! s’il n’y avait que des marins sur la terre !  »

Au service, il avait appris, d’un matelot amateur, à tirer à l’épée. Élancé, adroit, nerveux, il était devenu très vite un tireur passable.

Au retour du service, ayant fait à Cogolin la connaissance d’un ancien prévôt, il avait travaillé avec lui passionnément et il était devenu, en peu d’années, son égal.

À Saint-Raphaël, Pons l’aîné, tireur émérite, citait Maurin comme un maître respectable. Rien de singulier comme l’élégance native de ce Maurin, de ce braconnier illettré, qui, l’épée en main, eût fait l’admiration de plus d’un gentilhomme friand de la lame. Cette