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LES PIEDS FOURCHUS

L’Oncle Jérémiah était né quaker, ainsi que nous l’avons dit, dans les environs de « Porchmouth » (Portsmouth.) Nous avertissons le lecteur que cet homme considérable avait un faible, consistant à prononcer l’anglais comme un flamand ou un allemand : il aimait à « germaniser » dans le langage.

Sa patrie, néanmoins, était le New-Hampshire : ayant épousé, en premières noces, une jeune et jolie méthodiste, pour lui plaire il se lança dans les affaires de milice qui l’entraînèrent si loin qu’il fallut quitter le pays. Sans proférer une plainte, sans dire un mot, le Brigadier prit délicatement sa chère petite femme sous un bras, sa petite malle sous l’autre, et disparut aussi soudainement et aussi mystérieusement que si la terre l’eût englouti comme les fils d’Éliab : son départ devint une légende chez les méthodistes.

Toute une génération grandit et vieillit sans avoir reçu de ses nouvelles ; à la longue, on finit par ne plus s’en occuper ; le bruit courait qu’il avait émigré du côté de l’Est et que là, il dirigeait une grande et belle ferme du District du Maine ; on disait encore qu’il s’était établi près de la Baie des Français, où il avait épousé une