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LES DRAMES DU NOUVEAU-MONDE

Grand-Père me demande de lui raconter çà ; et vous et Tante Lucy me faites signe de ne rien dire.

— Je voudrait que vous apprissiez à modérer votre langue, Jeruthy Jane, et à ne parler que lorsqu’on vous interroge ; interrompit aigrement la Grand-Mère.

— Ne t’inquiète pas, femme : explique-moi cette affaire, je te prie, Jeruthy.

— Voilà, Grand-Père. Avant de se mettre au lit elle s’est approchée du mien toute tremblante, pouvant à peine parler, et claquant des dents ; puis, elle m’a raconté qu’au moment où elle finissait de traire les vaches, elle les a entendues se débattre, alors elle a levé la tête pour voir ce que c’était, et elle a aperçu une paire d’yeux monstrueux qui la regardaient par-dessus la palissade : elle croit avoir vu aussi de grandes cornes et une tête de cheval, la plus grosse qu’elle ait rencontrée en sa vie. Épouvantée, elle a laissé là son baquet pour se sauver à la maison ; mais avant d’arriver à la petite porte elle est tombée, et si Grand-Mère ne s’était trouvée là pour lui porter secours, on l’aurait trouvée étouffée sous la neige.