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LA FIÈVRE D’OR.

Charles X avait fondé une colonie malingre sur le territoire de San-Francisco, et exploitait tant bien que mal des bois de construction, qu’il débitait et mettait en planches au moyen de quelques moulins à eau.

Voilà quel était à peu près l’état dans lequel croupissait cette magnifique contrée, lorsque soudain éclata comme un coup de foudre la nouvelle de la découverte des riches placeres en Californie.

Alors, comme si ce pays eût été subitement touché par la baguette magique d’un puissant enchanteur, il fut instantanément transformé. De tous les coins du monde, les aventuriers y affluèrent, apportant avec eux cette fiévreuse activité et cette audace sans bornes qui ne connaissent pas de difficultés et surmontent tous les obstacles.

Là où quelques jours auparavant s’étendaient de sombres et mystérieuses forêts vieilles comme le monde, une ville fut créée, improvisée, et en quelques mois à peine compta ses habitants par dizaines de milliers ; son port, si longtemps désert, regorgea de navires de toutes sortes et de toute grandeur, et la fièvre de l’or renouvela les saturnales des conquérants espagnols du moyen-âge.

Alors, pendant quelque temps, ce pays offrit à l’œil de l’observateur le spectacle le plus hideux, le plus grandiose, le plus navrant et le plus saisissant qui se puisse imaginer.

Tout était mêlé, confondu, bouleversé ; c’était un tohu-bohu, un chaos, un gâchis impossible à décrire, où rien n’existait plus, où tout lien était rompu, tout idée sociale à néant, et dans cet