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LA FIÈVRE D’OR.

Tous deux semblaient avoir passé le milieu de la vie.

Mais là finissait entre eux la ressemblance ; car au premier coup d’œil il était facile de deviner que l’un appartenait à la race européenne du Nord, tandis que son compagnon, au contraire, par la teinte olivâtre de sa peau et les traits anguleux de son visage offrait le type parfait des Indiens originaires du Chili, si éloquemment célébrés par Ercilla, et connus dans l’Amérique du Sud sous le nom de Araucanos, race forte, intelligente, énergique, la seule de toutes les nations aborigènes du Nouveau-Monde qui ait su jusqu’aujourd’hui conserver sa nationalité et faire respecter son indépendance.

Ces deux hommes, que le lecteur a sans doute reconnus déjà, s’il a lu nos précédents ouvrages, étaient Valentin Guilois, le chercheur de pistes, et Curumilla, son silencieux et tout dévoué compagnon, depuis que le hasard avait, tant d’années auparavant, conduit Valentin en Araucanie.

Les années, en s’accumulant sur la tête des deux hommes, n’avaient apporté que peu de changement dans leur apparence extérieure ; ils étaient toujours aussi droits et semblaient aussi vigoureux.

Seulement, quelques plis de plus s’étaient creusés sur le front rêveur du Français, et quelques fils argentés ajoutés aux mèches de sa chevelure ; ses traits, plus anguleux, avaient maintenant des lignes fermes et arrêtées, que seules produisent la réflexion et les longues luttes vaillamment soutenues ; son œil était toujours aussi franc, mais l’éclair qui s’en échappait était plus profondément incisif, et sa physionomie avait cette expression mélancoliquement