Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/166

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Disons en peu de mots ce que c’était que ce personnage, dont l’arrivée imprévue causait tant de plaisir aux personnes réunies dans la grotte.

Le père Séraphin était un homme de vingt-quatre ans au plus, bien que les fatigues qu’il supportait, les durs travaux qu’il s’était imposés et qu’il remplissait avec une abnégation d’apôtre, eussent laissé des traces nombreuses sur son visage aux traits fins et réguliers, à l’expression douce, ferme et empreinte d’une mélancolie sublime, rendue plus touchante encore par le rayon d’une ineffable bonté qui s’échappait de ses grands yeux bleus et pensifs. Cependant toute sa personne respirait un parfum de jeunesse et de santé qui dévoilait son âge, sur lequel un observateur superficiel aurait facilement pu se tromper.

Le père Séraphin était Français ; il appartenait à l’ordre des Lazaristes.

Depuis cinq ans déjà il parcourait, missionnaire infatigable, sans autre arme que le bâton destiné à soutenir sa marche, les solitudes inexplorées du Texas et du Nouveau-Mexique, prêchant l’Évangile aux Indiens, sans souci des privations terribles, des souffrances sans nom qu’il endurait incessamment et de la mort toujours suspendue au-dessus de sa tête.

Le père Séraphin était un de ces nombreux soldats, martyrs ignorés de l’armée de la foi qui, se faisant un bouclier de l’Évangile, répandent au péril de leur vie la parole de Dieu dans ces contrées barbares, et meurent héroïquement, tombant bravement sur leur champ de bataille, usés par les pénibles exigences de leur sublime mission, vieux à trente ans, mais ayant conquis quelques âmes à la vérité et répandu la lumière parmi les masses ignorantes.