Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/197

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bant en nous-mêmes, nous tombions dans un état de béatitude dont rien n’avait le pouvoir de nous tirer.

Les chasseurs, si rieurs et si causeurs au départ, avaient subi cette influence toute-puissante du désert, et s’avançaient rapides et silencieux, n’échangeant qu’à de longs intervalles de brèves paroles entre eux.

Cependant le calme le plus complet continuait à régner dans le désert.

Grâce à l’étonnante transparence de l’atmosphère, la vue pouvait s’étendre au loin, rien de suspect ne se laissait voir.

Les luccioles et les mouches à feu voletaient insoucieuses sur la cime des herbes ; déjà apparaissaient à une demi-lieue au plus en avant les lueurs tremblotantes des feux allumés devant les tentes vers lesquelles se dirigeaient les chasseurs.

À un signal de don Miguel, la troupe, qui jusqu’alors n’avait marché qu’au trot, prit un galop assez allongé ; chacun avait hâte de sortir de ce lieu qui, dans les ténèbres, avait pris un aspect sinistre. Ils arrivèrent ainsi jusqu’à une centaine de pas des feux dont les lueurs rougeâtres se reflétaient au loin sur les arbres, lorsque tout à coup un hurlement horrible traversa l’espace, et de derrière chaque buisson, chaque hallier, s’élança un cavalier indien, brandissant ses armes et faisant caracoler son cheval autour des blancs en poussant son cri de guerre.

Les Mexicains, surpris à l’improviste, furent entourés avant même qu’ils fussent assez revenus de leur stupeur pour songer à faire usage de leurs armes.

D’un coup d’œil don Miguel jugea la position ; elle était critique.