Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/294

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alors un des plus grands bonheurs que Dieu a donnés à l’homme sur cette terre, celui de pardonner.

Le chef secoua la tête.

— Non, dit-il, un ennemi mort n’est plus à redouter ; mieux vaut le tuer que lui laisser les moyens de se venger plus tard.

— Mon fils, vous m’aimez, n’est-ce pas ?

— Oui, mon père est bon, il a fait du bien aux Peaux Rouges ; les Comanches sont reconnaissants. Que mon père commande, son fils obéira.

— Je n’ai pas le droit de vous donner d’ordre, mon fils, je ne puis que vous adresser une prière.

— Bon ! Que mon père s’explique, l’Unicorne fera ce qu’il désire.

— Eh bien, reprit le missionnaire avec un vif sentiment de joie, promettez-moi de pardonner au premier malheureux, quel qu’il soit, qui tombera entre vos mains, et vous me rendrez bien heureux.

Le chef indien fronça le sourcil, une expression de mécontentement parut sur ses traits.

Le père Séraphin suivait avec anxiété sur le visage si intelligent du Comanche les différentes nuances qui s’y reflétaient comme sur un miroir.

Enfin, l’Indien reprit son impassibilité, et son visage se rasséréna.

— Mon père l’exige ? dit-il d’une voix douce.

— Je le désire.

— Soit ; que mon père soit satisfait, je lui promets de pardonner au premier ennemi que le manitou fera tomber sous le fer de ma lance.

— Merci, chef, s’écria le missionnaire avec joie, merci ; Dieu vous récompensera de cette bonne pensée, lui qui lit dans les cœurs.