Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/78

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moi, je ne puis oublier le service que vous m’avez rendu.

— Peu importe.

— Beaucoup plus que vous ne croyez, caballero : je puis être par mon caractère, mes habitudes et le genre de vie que je mène, hors la loi des hommes civilisés, mais je n’en suis pas moins un homme, bien que peut-être de la pire espèce, je n’oublie pas plus un bienfait qu’une injure.

— Prouvez-le donc en vous éloignant au plus vite, alors nous serons quittes l’un envers l’autre.

Le squatter secoua négativement la tête.

— Écoutez, don Miguel, dit-il, vous avez en ce pays la réputation d’être la providence des malheureux, je sais par moi-même jusqu’où va la bonté de votre cœur et quel est votre courage ; on dit que vous possédez une fortune immense, dont vous-même ne connaissez pas l’étendue.

— Après, interrompit l’hacendero avec impatience.

— Les dégâts que je puis causer ici, lors même que j’abattrais tous les arbres de la forêt, seraient bien peu de chose pour vous ; d’où provient donc l’acharnement que vous mettez à me chasser ?

— Votre question est juste, j’y répondrai. J’exige votre éloignement de mes propriétés parce que, il y a quelques jours, mon fils a été grièvement blessé par vos enfants, qui l’avaient fait tomber dans un lâche guet-apens, et que, s’il a échappé à la mort, ce n’est que par miracle ; voilà pourquoi nous ne pouvons vivre auprès l’un de l’autre, le sang nous sépare.

Cèdre-Rouge fronça le sourcil.

— Est-ce vrai ? dit-il en s’adressant à ses fils.

Les jeunes gens baissèrent la tête sans répondre.