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LES CHASSEURS D’ABEILLES

Les cinq hommes se rangèrent sur une seule ligne et s’élancèrent à fond de train sur les arrivants, contre lesquels ils déchargèrent leurs pistolets à bout portant et qu’ils sabrèrent au passage.

— Caraï ! s’écria Pablito avec rage, — car c’était lui qui commandait les arrivants, — mon prisonnier s’échappe !

Et, faisant faire un écart à son cheval, il s’élança sur don Fernando.

Celui-ci, sans ralentir sa course, déchargea son pistolet, et le cheval du vaquero, frappé d’une balle à la tête, roula sur le sol en entraînant son cavalier.

Pablito se releva tout meurtri de sa chute ; ceux qui l’avaient si brusquement assailli avaient disparu.

— Oh ! je les retrouverai ! s’écria-t-il avec rage.

Cependant les fugitifs avaient gagné le bord du fleuve et étaient arrivés à un endroit où une barque les attendait.

— C’est ici que nous nous séparons, dit l’inconnu à don Fernando en se démasquant.

— Estevan ? s’écria le jeune homme.

— Moi-même, ami, répondit le mayordomo. Cette barque va vous conduire à l’hacienda del Cormillo ; partez sans retard, et, ajouta-t-il en se penchant à son oreille et en lui remettant un papier plié en quatre, lisez ceci avec attention, peut-être pourrez-vous nous venir en aide à votre tour.

— Oh ! soyez tranquille, il me faut une vengeance.

— Adieu, ou plutôt ; au revoir, mon ami !

— Merci ! Doña Hermosa, la reverrai-je ?

— Il m’est défendu de vous rien dire à ce sujet.

— Autre chose alors : quel est l’homme qui me retenait prisonnier, le savez-vous ?

— Oui, seulement ils étaient deux : le Chat-Tigre et don Torribio Quiroga.

— Ah ! fit-il en fronçant les sourcils, je m’en souviendrai, merci encore une fois, Estevan !

Et faisant un signe aux rameurs, il s’assit dans la barque, qui partit avec rapidité et se confondit bientôt dans les premières ombres de la nuit qui envahissaient la terre.

Trois personnes restaient sur la plage, suivant d’un regard inquiet les mouvements de la frêle embarcation.

Ces trois personnes étaient don Estevan Diaz, doña Hermosa et Na Manuela.


X

LE CAMP DES PEAUX-ROUGES


Grâce aux soins empressés de don Pedro et de sa fille, don Estevan n’avait pas tardé à revenir à la santé.

Son premier soin avait été de révéler à l’haciendero, ainsi qu’il en avait