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— Assez causé ; ramasse les outils, ferme les portes de cette masure, éteins la lanterne et partons.

Le matelot exécuta rapidement ces divers ordres, abandonna, après l’avoir éteinte, la lanterne sur la pelouse, puis les deux hommes regagnèrent leur embarcation.

Bientôt on entendit le bruit des avirons frappant l’eau en cadence.

Cinq minutes plus tard l’embarcation et les deux démons qui la montaient avaient disparu dans les ténèbres.


II

où il est prouvé que c’est souvent un tort de pousser trop loin une vengeance


Le docteur d’Hirigoyen et son fils Julian avaient assisté invisibles, et sans en perdre un mot ni un geste, à la scène si platement et si odieusement barbare, racontée dans notre précédent chapitre.

En proie à une émotion poignante, dix fois le jeune homme avait voulu s’élancer entre le bourreau et la victime de cet horrible guet-apens, au risque de ce qui pourrait lui arriver à lui-même ; chaque fois son père l’avait retenu, à grand’peine, nous devons le constater, tant le jeune homme était pris de pitié et d’admiration pour cette noble jeune femme qui, se sentant au pouvoir d’un monstre sans âme, avait héroïquement préféré la mort au déshonneur, et, tout en succombant sous les coups de son lâche bourreau, était sortie glorieuse et immaculée de cette lutte atroce.

M. d’Hirigoyen, au mot de narcotique prononcé par l’assassin, avait fait comprendre à son fils que rien n’était désespéré encore ; que, dans l’intérêt même de la victime, il fallait patienter, et attendre le départ des bourreaux pour essayer de sauver la malheureuse jeune femme.