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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Qui ? dit-elle, partagée entre la honte de la supposition et l’effroi de sa position dangereuse.

— Lui ! répondit-il en ricanant. Écoutez, Carmela, plusieurs fois déjà vous vous êtes initiée plus qu’il ne saurait nous convenir à nos affaires ; je vous répéterai le mot que, il n’y a qu’un instant, vous avez dit au capitaine, et tâchez d’en faire votre profit : prenez garde.

— Oui, fit brutalement le second interlocuteur, car nous pourrions bien oublier que vous n’êtes qu’une enfant et vous faire payer cher vos délations.

— Bah ! fit le troisième qui jusqu’à ce moment s’était contenté de boire sans prendre part à la conversation, la loi doit être égale pour tous : si Carmela nous a trahis, il faut qu’elle soit punie.

— Bien dit, Bernardo, s’écria Ruperto en frappant sur la table ; justement nous sommes assez nombreux pour prononcer le jugement.

— Mon Dieu ! s’écria-t-elle en se dégageant vivement de l’étreinte de l’homme qui jusque-là l’avait retenue, laissez-moi, laissez-moi.

— Arrêtez-la ! s’écria Ruperto en se levant, sans cela il va arriver quelque malheur.

Les trois hommes s’élancèrent vers la jeune fille ; celle-ci, à demi morte de terreur, cherchait vainement à ouvrir la porte de la venta afin de s’échapper.

Mais tout à coup, au moment où les trois hommes posaient leurs mains rudes et calleuses sur ses épaules blanches et délicates, la porte de la venta dont, dans son trouble, elle n’avait pu faire jouer le loquet, s’ouvrit toute grande, et un homme parut sur le seuil.