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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Un éclair de bonheur illumina, comme un rayon de soleil, la physionomie du jeune homme.

— Bien ! Carmela, dit-il avec un accent profond ; quand le moment sera venu, je vous rappellerai votre promesse.

Elle baissa la tête en faisant un signe muet d’assentiment.

Il y eut un instant de silence. La jeune fille vaquait aux soins du ménage avec cette légèreté et cette prestesse d’oiseau particulière aux femmes ; le Jaguar marchait de long en large dans la salle, d’un air préoccupé ; au bout de quelques instants il s’approcha de la porte et regarda au dehors.

— Il faut que je parte, dit-il.

Elle lui jeta un regard scrutateur.

— Ah ! fit-elle.

— Oui, soyez donc assez bonne pour ordonner à Lanzi de me préparer Santiago ; peut-être si je le lui disais moi-même ne le ferait-il qu’à contre-cœur ; j’ai cru voir que je n’étais plus dans ses bonnes grâces.

— J’y vais, répondit-elle en souriant.

Le jeune homme la regarda s’éloigner en étouffant un soupir.

— Qu’est-ce donc que j’éprouve ? murmura-t-il en appuyant fortement la main sur son cœur, comme s’il venait de ressentir une subite douleur ; serait-ce cela qu’on nomme de l’amour ? Je suis fou, reprit-il au bout d’un instant, est-ce que je puis aimer, moi, le Jaguar ? est-ce qu’on peut aimer le réprouvé ?

Un sourire amer contracta ses lèvres. Ses sourcils se froncèrent et il murmura sourdement :