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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

ture, qui soutenait encore deux cornes de bison pleines de poudre et de balles.

Ainsi équipé, dans cette pirogue encadrée par l’imposant paysage qui l’entourait, l’aspect de cet homme avait quelque chose de grand qui saisissait et imprimait un respect involontaire.

Le coureur des bois proprement dit est un de ces nombreux types du Nouveau-Monde, qui ne tarderont pas à disparaître entièrement devant le progrès incessant de la civilisation.

Les coureurs des bois, ces hardis explorateurs des déserts dans lesquels se passait toute leur existence, étaient des hommes qui, poussés par un esprit d’indépendance et un désir effréné de liberté, secouaient, pour ne plus les reprendre jamais, les liens pesants dans lesquels la société garrotte ses membres, et qui, sans autre but que celui de vivre et mourir sans être assujettis à aucune autre volonté que la leur, aucunement poussés par l’espoir d’un lucre quelconque qu’ils méprisaient, abandonnaient les villes et s’enfonçaient résolument dans les forêts vierges, vivaient au jour le jour, indifférents du présent, insouciants de l’avenir, convaincus que Dieu ne leur manquerait pas à l’heure de la nécessité, et se plaçaient ainsi, en dehors de la loi commune, qu’ils méconnaissaient, sur l’extrême limite qui sépare la barbarie de la civilisation.

La plupart des plus renommés coureurs des bois furent canadiens ; en effet, il y a dans le caractère normand quelque chose d’osé et d’aventureux qui convient bien à ce genre de vie, plein de péripéties étranges et de sensations délicieuses dont ceux-là