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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

En effet, ces marchandises étaient fort précieuses ; ces dix mules transportaient trois millions de piastres qui, certes, auraient été une bonne aubaine pour les insurgés si elles étaient tombées entre leurs mains.

Le temps était loin déjà où, sous la domination des vice-rois, le pavillon espagnol arboré en tête d’un convoi de cinquante ou soixante mules chargées d’or, suffisait pour protéger efficacement une conducta de plata et lui faire traverser sans le moindre risque le Mexique dans toute sa largeur, tant était grande la terreur inspirée par le nom seul de l’Espagne.

Maintenant ce n’étaient ni cent, ni soixante mules, mais dix que quarante hommes résolus paraissaient devoir à peine suffire à protéger.

Le gouvernement avait jugé à propos d’user de la plus grande prudence pour expédier cette conducta attendue depuis longtemps à Mexico ; le plus profond silence avait été gardé sur l’heure et le jour du départ et sur la route qu’elle suivrait.

Les ballots avaient été confectionnés de façon à dissimuler le mieux possible le genre de marchandises qu’ils transportaient ; les mules expédiées l’une après l’autre, en plein jour, sous la conduite seule de leur arriero, n’avaient rallié qu’à quinze lieues de la ville l’escorte cantonnée depuis un mois, sous un prétexte plausible, dans un ancien presidio.

Tout avait donc été prévu et calculé avec le plus grand soin et la plus grande intelligence pour faire arriver à bon port cette précieuse marchandise ; les arrieros, les seuls qui connussent la valeur de leur chargement, n’auraient eu garde de parler,