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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

à leur insu cette génération d’intrépides explorateurs dont au commencement de ce récit nous avons mis en scène un des plus beaux et malheureusement un des derniers types.

Le chasseur continuait à pagayer vigoureusement ; bientôt il atteignit le premier flamant qu’il jeta dans le fond de sa pirogue, mais le second lui donna plus de peine ; ce fut pendant quelque temps une lutte de vitesse entre l’oiseau blessé et le chasseur ; cependant le premier perdit peu à peu ses forces ; ses mouvements devinrent incertains, il battit l’eau convulsivement ; un coup du plat de la pagaie du Canadien mit fin à son agonie, et il alla rejoindre son compagnon dans le fond de la pirogue.

Dès qu’il eut pêché son gibier, le chasseur dressa ses pagaies et se mit à charger son rifle avec ce soin qu’apportent à cette opération ceux qui savent que leur vie peut dépendre d’une charge de poudre.

Son arme remise en état, le Canadien jeta autour de lui un regard explorateur.

— Eh ! dit-il au bout d’un instant, en se parlant à lui-même, habitude que contractent assez ordinairement les individus dont l’existence est solitaire ; Dieu me pardonne, je crois que je suis arrivé sans m’en douter au rendez-vous ? Je ne me trompe pas, voici là-bas à droite les deux chênes-saules renversés et tombés en croix l’un sur l’autre, près de cette roche qui avance au-dessus de l’eau ; mais qu’est cela ? s’écria-t-il en se baissant et en armant son rifle.

Les aboiements furieux de plusieurs chiens s’étaient tout à coup fait entendre dans l’épaisseur de la forêt, les buissons s’étaient écartés violemment et