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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Je ne suis pas fou, padre, et je vous dispense des épithètes dont il vous plaît de me gratifier, répondit sèchement le prisonnier.

— Voyons, exécutez-vous, dit brutalement celui qui jusque-là était demeuré silencieux. Je ne me soucie pas de danser au bout d’une corde pour votre bon plaisir.

— Ce qui arrivera inévitablement, observa paisiblement le capitaine, si vous ne vous décidez pas, caballeros, à me donner une explication claire et catégorique de votre conduite.

— Hein ! vous voyez, señor frayle, reprit le prisonnier ; la position devient délicate pour nous : voyons, faites bien les choses.

— Oh ! s’écria le moine avec rage, je suis tombé dans un horrible guet-apens.

— Assez, fit le capitaine d’une voix tonnante ; cette comédie n’a déjà que trop duré, padre Antonio. Ce n’est pas vous qui êtes tombé dans un horrible guet-apens, c’est au contraire moi que vous y vouliez entraîner ; je vous connais de longue date, et j’ai sur les projets que vous machiniez les détails les plus circonstanciés. C’est un jeu dangereux que celui que vous jouiez depuis si longtemps ; on ne peut servir à la fois Dieu et le diable sans qu’à la fin tout ne se découvre ; seulement, j’ai voulu vous mettre face à face avec ces braves gens afin de vous confondre et de faire tomber le masque hypocrite dont vous vous couvrez.

À cette rude apostrophe le moine demeura un instant interdit, courbé sous l’évidence des reproches qui lui étaient adressés ; enfin, il releva la tête, et se tournant vers le capitaine :