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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Bah ! bah ! gens menacés vivent longtemps, reprit John en le contraignant de se dépouiller de la robe de moine qui le couvrait.

— Là ! continua-t-il, maintenant, mes braves, vous pouvez en toute sûreté exécuter les ordres de votre capitaine : cet homme n’est plus pour vous que le premier venu.

L’action hardie du chasseur avait subitement rompu le charme qui enchaînait les soldats. Dès que la robe redoutée ne couvrit plus les épaules du moine, n’écoutant plus ni prières ni menaces, ils s’emparèrent du condamné, l’attachèrent malgré ses cris, solidement à un catalpa et lui administrèrent consciencieusement les deux cents coups de chicote décrétés par le capitaine, tandis que les chasseurs assistaient à l’exécution, comptant sournoisement les coups et riant à gorge déployée aux contorsions du misérable que la douleur faisait se tordre comme un serpent.

Au cent vingt-huitième coup, le moine se tut : le système nerveux complétement bouleversé le rendait insensible ; cependant il n’était pas évanoui, ses dents étaient serrées, une écume blanchâtre s’échappait de ses lèvres crispées ; il regardait fixement devant lui sans rien voir, ne donnant d’autres preuves d’existence que les profonds soupirs qui, par intervalles, soulevaient sa puissante poitrine.

Lorsque l’exécution fut terminée et qu’on le détacha, il tomba comme une masse et demeura inerte sur le sol.

On lui remit sa robe et on le laissa là, sans plus s’occuper de ce qu’il deviendrait.