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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

nèbres, ils aperçurent certaines traces presque imperceptibles qui les firent tressaillir de joie.

Désormais probablement délivrés des soucis qui les tourmentaient, ils rejoignirent leurs chevaux, s’étendirent nonchalamment sur le sol et, fouillant dans leurs alforjas, ils en tirèrent tous les éléments d’un modeste déjeuner auquel ils firent honneur avec l’appétit formidable d’hommes qui ont passé la nuit entière en selle à courir par monts et par vaux.

Depuis leur départ du camp mexicain, les chasseurs n’avaient pas échangé une parole entre eux, paraissant agir sous l’influence d’une préoccupation profonde qui rendait inutile toute conversation.

Du reste, c’est une chose remarquable que le mutisme des hommes habitués à la vie du désert : ils passent des jours entiers sans prononcer un mot, ne parlant que lorsque la nécessité les y oblige, et remplaçant la plupart du temps la langue parlée par la langue mimée qui a, sur la première, l’incontestable avantage de ne pas dénoncer la présence de ceux qui s’en servent, aux oreilles des ennemis invisibles sans cesse aux aguets et prêts à fondre comme des oiseaux de proie sur les imprudents qui se laissent surprendre.

Lorsque le premier appétit des chasseurs fut enfin calmé, celui que le capitaine avait nommé John alluma sa courte pipe, la plaça dans le coin de sa bouche, et passant son sac à tabac à son compagnon :

— Eh bien, Sam, lui dit-il à demi-voix, comme s’il eût craint d’être entendu, je crois que nous avons réussi, hein ?