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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

faute que lui avait fait commettre la passion sourde qui l’agitait, en abjurant toute jalousie et se mettant à l’entière discrétion de doña Carmela pour ce qu’il lui plairait de lui ordonner.

Mais comme la plupart des bonnes résolutions, celle-ci n’eut que la durée d’un éclair. Le Jaguar réfléchit, et avec la réflexion revinrent le doute et la jalousie, et comme conséquence naturelle, une nouvelle fureur, plus insensée, plus folle que la première.

Le jeune homme galopa ainsi longtemps, ne suivant en apparence aucune direction déterminée ; cependant, à de longs intervalles il s’arrêtait, se dressait sur ses étriers, explorait la plaine d’un regard d’aigle, puis il repartait à toute bride.

Vers trois heures de l’après-midi, il dépassa la conducta de plata ; mais comme il l’avait aperçue de loin, il lui fut facile de l’éviter en obliquant légèrement sur la droite et en se jetant dans un bois touffu d’arbres du Pérou, qui le rendit invisible pendant assez longtemps pour qu’il ne craignît pas d’être découvert par les batteurs d’estrade détachés en avant.

Cependant, une heure environ avant le coucher du soleil, le jeune homme, qui venait pour la centième fois peut-être de s’arrêter afin d’explorer les environs, poussa un cri de joie étouffé : il avait enfin rejoint ceux qu’il avait si grande hâte d’atteindre.

À cinq cents pas environ de l’endroit où le Jaguar était arrêté en ce moment, une troupe de trente ou trente-cinq cavaliers suivait en bon ordre la sente décorée du nom de route qui traversait la prairie.