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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Pourquoi pas ? Je ne vous connais point, moi ; je n’ai aucun besoin de vous venir en aide. En traversant par hasard cette clairière je vous ai aperçu étendu là sans souffle et pâle comme un cadavre ; je vous ai accordé ces soins qu’au désert on ne refuse à personne : maintenant, vous êtes revenu à la vie, je ne vous suis plus utile, je pars ; quoi de plus simple et de plus logique ? Adieu, et que le diable, pour qui vous me preniez tout à l’heure, vous accorde sa protection.

Après avoir prononcé ces paroles d’un ton de sarcasme et d’ironie amer, l’inconnu jeta son rifle sur l’épaule et fit quelques pas du côté de son cheval.

— Arrêtez ! au nom du ciel ! s’écria le moine en se levant plus prestement que son état de faiblesse ne l’aurait fait supposer, mais la peur lui en rendit l’effort possible. Que deviendrai-je, seul, dans ce désert ?

— Peu m’importe, répondit l’inconnu en dégageant froidement le bas de son zarapé, que le moine avait saisi ; la maxime du désert ne dit-elle pas : Chacun pour soi ?

— Écoutez ! s’écria le moine avec volubilité, je me nomme fray Antonio, je suis riche : si vous me protégez, je vous récompenserai généreusement.

L’inconnu sourit avec dédain.

— Qu’avez-vous à redouter. Vous êtes jeune, robuste, bien armé ; n’êtes-vous donc pas en mesure de vous protéger vous-même ?

— Non, parce que je suis poursuivi par des ennemis implacables. Cette nuit ils m’ont infligé une torture horrible et avilissante : je suis parvenu à