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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

ras, je ne puis nier, chef, qu’il n’y ait quelque chose de vrai dans ce que vous dites, mais cependant, tous les hommes de ma couleur n’ont pas été méchants pour les Peaux-Rouges, plusieurs ont cherché à leur faire du bien.

— Ooah ! deux et trois encore peut-être, mais cela ne fait que prouver ce que j’avance. Venons à la question que nous voulons discuter quant à présent.

— Oui, je crois que nous ferons mieux, répondit l’Américain intérieurement charmé de ne pas avoir à soutenir une discussion qu’il savait ne devoir pas être à son avantage.

— Ma nation hait les Visages-Pâles, reprit le chef, le condor ne fait pas son nid avec le mawkawis, et l’ours gris ne fraie pas avec l’antilope ; moi-même, j’ai pour les Visages-Pâles une haine instinctive. Ce matin j’aurais donc refusé péremptoirement les propositions du Jaguar : que nous importent à nous les guerres que se font les Visages-Pâles ? lorsque les coyotes s’entre-dévorent, les daims se réjouissent ; nous sommes heureux de voir nos cruels oppresseurs s’entre-déchirer ; maintenant, bien que ma haine soit aussi vivace, je dois la renfermer au fond de mon cœur. Mon frère m’a sauvé la vie, il m’a secouru lorsque je gisais étendu sur la terre et que le Génie de la mort planait au-dessus de ma tête ; l’ingratitude est un vice blanc, la reconnaissance est une vertu rouge. À compter d’aujourd’hui la hache est enterrée entre le Jaguar et le Renard-Bleu pour cinq lunes consécutives ; pendant cinq lunes, les ennemis du Jaguar seront ceux du Renard-Bleu ; les deux chefs combattront auprès l’un de l’autre