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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Il n’en est pas ainsi du mien, chasseur, vous le connaissez assez pour le savoir.

Le Canadien secoua la tête.

— Vous êtes jeune encore ; ce cœur dont vous me parlez vous est inconnu à vous-même ; dans la courte période que votre existence comporte, le vent des passions n’a pas encore soufflé sur vous et ne vous a pas courbé sous sa puissante étreinte ; attendez, pour répondre sûrement, que vous ayez aimé et souffert ; alors, si vous avez bravement soutenu le choc, si vous avez résisté à l’ouragan de la jeunesse, il vous sera permis de porter haut la tête.

Ces paroles furent prononcées avec un accent sévère, mais cependant nullement empreint d’amertume.

— Vous êtes dur pour moi, aujourd’hui, Tranquille, répondit tristement le jeune homme. En quoi puis-je avoir démérité à vos yeux ? Quel acte répréhensible ai-je commis ?

— Aucun, du moins je me plais à le croire ; mais je crains que bientôt… Il s’arrêta et hocha douloureusement la tête.

— Achevez ! s’écria vivement le jeune homme.

— À quoi bon ? reprit-il ; que suis-je, moi, pour vous imposer une morale que vous mépriserez sans doute, et des conseils qui seront les mal venus ? Mieux vaut garder le silence.

— Tranquille ! répondit le jeune homme avec une émotion dont il ne fut pas maître, depuis longtemps déjà nous nous connaissons, vous savez l’estime et le respect que j’ai pour vous, parlez ! Quoi que vous ayez à dire, quelque rudes que soient les reproches