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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

val, tout dans cet homme étrange lui paraissait tenir du prodige.

Souvent il avait entendu pendant les veillées du bivouac dans la prairie, faire sur ce chasseur les récits les plus extraordinaires et les plus exagérés, par les Indiens auxquels il inspirait une terreur dont, maintenant qu’il avait vu l’homme, il comprenait la raison, car cet individu qui se riait des armes dirigées sur sa poitrine et sortait toujours sain et sauf des combats qu’il engageait, n’importe quel fût le nombre de ses adversaires, semblait plutôt être un démon qu’une créature appartenant à l’humanité ; malgré lui, John Davis se sentait tressaillir à cette pensée et se félicitait d’avoir si miraculeusement échappé au péril qu’il avait couru dans sa rencontre avec lui.

Nous constaterons, en passant, qu’il n’y a pas au monde de peuple plus superstitieux que l’Américain du Nord. Cela est facile à comprendre : véritable manteau d’Arlequin, cette nation est un composé hétérogène de toutes les races qui peuplent le vieux monde ; chacun des représentants de ces races est arrivé en Amérique portant dans son bagage d’émigrant, non-seulement ses vices et ses passions, mais encore ses croyances et ses superstitions de toutes sortes, les plus folles, les plus puériles et les plus absurdes, d’autant plus facilement que la masse des émigrants qui, à diverses époques, se sont réfugiés en Amérique, se composait de gens pour la plupart dénués de toute instruction et même d’un semblant d’éducation ; à ce point de vue, les Américains du Nord, nous devons leur rendre cette justice, n’ont nullement dégénéré : ils sont aujour-