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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

grande réputation dans sa tribu. Je l’aime comme un frère. Nous avons été pour ainsi dire élevés ensemble. Je serais heureux de vous voir dans ses bonnes grâces. C’est un homme sage, expérimenté, pour lequel la vie du désert n’a pas de secrets. L’amitié d’un chef indien est chose précieuse pour un coureur des bois ; songez à cela. Du reste, je suis convaincu que vous vous conviendrez au premier coup d’œil.

— Je ferai tout ce qu’il faudra pour cela. Il suffit que ce chef soit votre ami pour que je désire qu’il devienne le mien. Jusqu’à présent, bien que j’aie, comme esclave marron, erré assez longtemps dans les forêts, je n’ai encore jamais vu d’Indien indépendant ; il est donc possible qu’à mon insu je commette quelque maladresse. Mais croyez bien qu’il n’y aura pas de ma faute.

— J’en suis convaincu, rassurez-vous à cet égard ; je préviendrai le chef qui, je crois, sera aussi surpris que vous, car je suppose que vous serez le premier individu de votre couleur avec lequel il se sera jamais rencontré. Voici la nuit entièrement tombée, vous devez être fatigué de la poursuite obstinée dont toute la journée vous avez été l’objet et des fortes émotions que vous avez éprouvées ; dormez, moi je veillerai pour nous deux, d’autant plus que demain probablement nous aurons une longue marche à faire, et qu’il faut que vous soyez dispos.

Le nègre comprit la justesse des observations de son ami, d’autant plus qu’il tombait littéralement de fatigue ; il avait été chassé de si près par les limiers de son ancien maître, que depuis quatre jours il n’avait pas fermé les yeux. Mettant donc toute