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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

ment mélancolique le retour du jour, il était environ trois heures du matin.

Tranquille quitta le siége rustique sur lequel jusqu’à ce moment il était demeuré dans une complète immobilité, il secoua l’engourdissement qui s’était emparé de lui, et fit quelques pas de long en large sur la plage, afin de rétablir la circulation du sang dans tous ses membres.

Lorsqu’un homme, nous ne dirons pas s’éveille, car le brave Canadien n’avait pas une seconde fermé les yeux pendant le cours de cette longue veille, mais secoue la torpeur dans laquelle le silence, les ténèbres et par-dessus tout le froid pénétrant de la nuit l’ont plongé, il lui faut quelques minutes avant de parvenir à rentrer en possession de toutes ses facultés et rétablir l’équilibre dans son cerveau : ce fut ce qui arriva au chasseur ; cependant, habitué depuis longues années à la vie du désert, ce temps fut moins long pour lui que pour un autre, et bientôt il se retrouva dans la plénitude de son intelligence, aussi alerte, le regard aussi perçant et l’ouïe aussi subtile que le soir précédent ; il se préparait en conséquence à réveiller son compagnon qui dormait toujours de ce bon et réparateur sommeil qui n’est ici-bas le partage que des enfants et des hommes dont la conscience est pure de toute pensée mauvaise, lorsqu’il s’arrêta subitement en prêtant l’oreille avec inquiétude.

Des profondeurs reculées de la forêt qui formait un épais rideau derrière son campement, le Canadien avait entendu s’élever un bruit inexplicable, qui s’augmentait d’instant en instant et prit bientôt les proportions des roulements saccadés du tonnerre.