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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Nous sommes perdus, dit froidement Tranquille.

Les bisons avançaient toujours.

Mais bientôt la chaleur devint insupportable ; la fumée, poussée par la brise dans la direction de la manada, aveugla les animaux, alors une réaction s’opéra ; il y eut un temps d’arrêt suivi bientôt d’un mouvement de recul.

Les chasseurs, la poitrine haletante, suivaient d’un regard anxieux les péripéties étranges de cette scène terrible. C’était une question de vie ou de mort qui se décidait en ce moment pour eux, leur existence ne tenait plus qu’à un fil.

Cependant la masse poussait toujours en avant. Les animaux qui guidaient la manada ne purent résister au choc de ceux qui les suivaient ; ils furent renversés et foulés aux pieds, par ceux qui venaient derrière, mais ceux-là, saisis à leur tour par la chaleur, voulurent aussi rebrousser chemin ; dans cet instant suprême quelques bisons se débandèrent à droite et à gauche : c’en fut assez, les autres les suivirent ; alors deux courants s’établirent de chaque côté du feu et la manada coupée en deux s’écoula comment un torrent qui a brisé ses digues, se rejoignant sur la rive et franchissant la rivière en colonne serrée.

C’était un horrible spectacle que celui qu’offrait cette manada fuyant épouvantée avec des cris de terreur, poursuivie par les fauves et enserrant, au milieu d’elle, le feu allumé par le chasseur, et qui semblait un lugubre phare destiné à éclairer la route.

Bientôt ils plongèrent dans la rivière qu’ils traver-