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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

retirer et à m’en laisser la libre jouissance, je saurai vous y contraindre.

— Oui, interrompit Tranquille, voilà le système de ces hommes : le meurtre et la rapine.

— Mon père se retira, continua l’Indien, sous le coup de cette menace ; immédiatement les guerriers prirent les armes, les femmes furent cachées dans une caverne, et la tribu se prépara à la résistance. Le lendemain, au point du jour, les Visages-Pâles traversèrent la rivière et attaquèrent le village. Le combat fut long et acharné ; il dura tout l’espace compris entre deux soleils ; mais que pouvaient faire de pauvres Indiens contre les Visages-Pâles, armés de rifles ? Ils furent vaincus et forcés de prendre la fuite ; deux heures plus tard leur village était réduit en cendres, et les os des ancêtres jetés aux quatre vents. Mon père avait été tué dans la bataille.

— Oh ! s’écria le Canadien avec douleur.

— Ce n’est pas tout, reprit le chef ; les visages pâles découvrirent la caverne où s’étaient réfugiées les femmes de la tribu, elles furent toutes ou du moins presque toutes, car dix ou douze tout au plus réussirent à s’échapper en emportant leurs papous (enfants), elles furent, dis-je, massacrées de sang-froid avec tous les raffinements de la plus horrible barbarie.

Après avoir prononcé ces paroles, le chef cacha sa tête dans sa robe de bison, et ses compagnons entendirent les sanglots qu’il cherchait vainement à étouffer.

— Voilà, reprit-il au bout d’un instant, les nouvelles que me communiqua le Renard-Bleu : mon père était mort dans ses bras en me léguant sa ven-