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LES RODEURS DE FRONTIÈRES


VIII

LA DÉCLARATION DE GUERRE.


Il est un fait incompréhensible que maintes fois, pendant le cours accidenté de nos longues pérégrinations en Amérique, nous avons été à même de constater, c’est que souvent, sans pouvoir se rendre compte du sentiment que l’on éprouve, on sent pour ainsi dire l’approche d’un malheur ; on se sait menacé sans pouvoir cependant deviner quand viendra le péril ni de quelle façon il arrivera ; le jour semble devenir plus sombre, les rayons du soleil perdent de leur éclat, les objets extérieurs prennent une apparence lugubre ; il y a dans l’air des frémissements étranges ; tout semble enfin ressentir l’impression d’une inquiétude vague et indéfinie.

Sans que rien fût venu justifier les craintes du capitaine à la suite de son altercation avec le Pawnée, cependant, non seulement lui, mais encore la population entière de la colonie se trouvait, le soir même de ce jour, sous le poids d’une sourde terreur.

À six heures, comme de coutume, la cloche avait sonné, afin de rappeler les bûcherons et les bouviers ; tous étaient rentrés, les bestiaux avaient été enfermés dans leurs écuries respectives, et, en apparence du moins, rien d’extraordinaire ne paraissait devoir troubler la vie calme des colons.

Le sergent Bothrel et ses compagnons avaient poursuivi pendant plusieurs heures le Visage-de-