Loyal, qui de toute la matinée n’avait pas desserré les dents, se tourna vers son compagnon.
— Asseyons-nous un instant, dit-il, rien ne nous oblige à nous hâter, puisque la Tête-d’Aigle a rejoint sa tribu.
— C’est vrai, répondit Belhumeur en se laissant tomber sur l’herbe, nous pouvons causer.
— Comment n’ai-je pas deviné que ces maudits Comanches avaient un détachement de guerre aux environs ? À nous deux, il est impossible de songer à nous emparer d’un camp dans lequel se trouvent cinq cents guerriers.
— C’est juste, dit philosophiquement Belhumeur, ils sont beaucoup ; après cela, vous savez, cher ami, que si le cœur vous en dit, nous pouvons toujours essayer, on ne sait pas ce qui peut arriver.
— Merci, fit en souriant le Cœur-Loyal, mais je le crois inutile.
— Comme vous voudrez.
— La ruse seule doit nous venir en aide.
— Rusons donc, je suis à vos ordres.
— Nous avons des trappes près d’ici, je crois ?
— Pardieu ! fit le Canadien, à un demi-mille tout au plus, au grand étang des castors.
— C’est vrai, je ne sais plus à quoi je pense depuis quelques jours ; voyez-vous, Belhumeur, cette captivité de ma mère me rend fou, il faut que je la délivre, coûte que coûte.