Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/253

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— Et vous voulez que je vous laisse, comme on dit dans mon pays, par-delà les grands lacs, vous fourrer de gaieté de cœur dans la gueule du loup, et encore ma comparaison est humiliante pour les loups, les Indiens sont mille fois plus féroces ! Non, je vous le répète, je ne ferai pas cela, ce serait une mauvaise action et s’il vous arrivait malheur, je ne me le pardonnerais pas.

— Expliquez-vous, Belhumeur, dit le Cœur-Loyal avec impatience, sur mon honneur, il m’est impossible de vous comprendre.

— Oh ! cela sera facile, répondit le Canadien, si je n’ai pas d’esprit et ne suis pas un beau parleur, j’ai du bon sens et je vois juste quand il s’agit de ceux que j’aime, je n’aime personne mieux que vous, maintenant que mon pauvre père est mort.

— Parlez, mon ami, répondit le Cœur-Loyal, et pardonnez-moi ce mouvement d’humeur que je n’ai pu réprimer.

Belhumeur réfléchit quelques instants puis il reprit la parole.

— Vous savez, dit-il, que les plus grands ennemis que nous avons dans la prairie sont les Comanches ; par une fatalité inexplicable, toutes les fois que nous avons eu des luttes à soutenir, c’est contre eux, jamais ils n’ont pu se vanter d’obtenir sur nous le plus mince avantage, de là entre eux et nous une haine implacable, haine qui, dans ces derniers temps, s’est encore accrue par nos discussions avec