Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/386

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Ce souvenir grandit par l’absence.

Toujours il croyait entendre résonner à son oreille les notes suaves et mélodieuses de la voix de la jeune fille, quelque effort qu’il fit pour oublier ; dans la veille et dans le sommeil elle était toujours là, lui souriant, fixant sur lui son regard enchanteur.

La lutte fut vive. Le Cœur-Loyal, malgré la passion qui le dévorait, savait quelle distance infranchissable le séparait de doña Luz, combien cet amour était insensé, irréalisable. Toutes les objections qu’il est possible de se faire en pareil cas, il se les fit pour se prouver qu’il était un fou.

Puis, lorsqu’il eut réussi à se convaincre qu’un abîme le séparait de celle qu’il aimait ; vaincu par la lutte terrible qu’il avait engagée avec lui-même, soutenu peut-être par cet espoir qui n’abandonne jamais les hommes énergiques, loin de reconnaître franchement sa défaite et de se laisser aller à cette passion qui faisait désormais sa seule joie, son seul bonheur, il continua sourdement à lutter contre elle, tout en se prenant en pitié à cause des mille petites lâchetés que son amour lui faisait continuellement commettre.

Il évitait, avec une obstination qui aurait pu paraître choquante à la jeune fille, de se rencontrer avec elle ; lorsque le hasard les forçait de se trouver ensemble, il devenait taciturne, maussade, ne répondait qu’avec difficulté aux questions qu’elle lui