Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/663

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Il fit bonne contenance.

L’affaire allait s’engager.

Le chef du parti ennemi, voyant ces deux personnages mis en avant, désarmés, les mains liées, arrêta le feu qu’il allait commander.

— Qui sont ces deux-là ? demanda-t-il vivement.

— Répondez, messieurs, fit Passe-Partout.

— Je suis le baron de Kirschmark ! cria le banquier de toute la force de ses poumons.

— Et moi, le général duc de Dinan.

— Bigre ! pensa le chef des adversaires de Passe-Partout. Soyons prudent.

— Ne tirez pas, pour l’amour du bon Dieu ! continua Kirschmark du ton le plus suppliant.

— Ne craignez rien, monsieur le baron.

— Merci, vous pourrez passer à ma caisse demain.

— Et moi ? demanda timidement Mouchette.

— Toi, tout de suite, ajouta la Cigale, si monsieur le baron dit encore un mot.

— Je me tais ! je me tais, fit le banquier tout tremblant.

Le chef des ennemis de Passe-Partout réfléchit que l’opération devenait doublement avantageuse pour lui.

Capturer six membres de l’association des Invisibles, c’était déjà un exploit de belle taille !

Mais délivrer le banquier et le grand seigneur des mains de ces bandits, il y avait de quoi se retirer du commerce, riche jusqu’à la fin de ses jours.

Le résultat de ses réflexions fut le commandement suivant qu’il donna aux siens :

— Pas de balles ! vous autres ! à la baïonnette et en avant !

La voix de Mouchette se remit à chanter sur une octave plus élevée :

Du haut en bas
C’est moi qui ramone…


avant qu’il n’eût commencé le troisième vers de ce refrain, le cri :

— Compagnons de la lune, en avant !


retentit sur la gauche, poussé comme par une trompette guerrière.

Et le colonel Martial Renaud apparut, courant au pas gymnastique, appelé pas des chasseurs, et suivi d’une vingtaine d’hommes masqués, voilés ou le visage noirci.

La situation devenait critique pour les prétendus agents de police.