Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/114

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suis appris à lire et à écrire, je sais faire mon point, prendre une amplitude ; bref, je le dis avec orgueil, je suis bon marin ; mais je suis ambitieux.

— C’est de votre âge, fit observer M. de Frappel.

— N’est-ce pas, monsieur ? reprit le jeune matelot. Eh bien ! il y a un pays dans lequel je ne suis jamais allé ; dont on dit des merveilles et que je brûle de connaître ; certain que j’y ferai fortune et que je m’y créerai une belle position en peu de temps.

— Quel est ce pays ? demanda le capitaine.

— La Côte ! je veux, moi aussi, devenir frère de la Côte !

— Vous n’êtes pas dégoûté, mon cher ami ; dit l’agent de la Compagnie.

— Bah ! j’ai tout ce qu’il faut pour cela. Je suis brave, intelligent, je veux parvenir. Est-il besoin d’autre chose ?

— Ma foi non ! Vous voudriez partir avec nous ?

— Oui. Je travaillerais pour mon passage et arrivé à Saint-Domingue, vous me débarqueriez.

— Vous m’intéressez, je voudrais vous être utile ; malheureusement ce que vous me demandez est impossible.

— Impossible ?

— Oui, la loi s’y oppose formellement. Vous n’avez que deux alternatives : vous faire inscrire sur mon rôle d’équipage et alors je serai obligé de vous ramener à Dieppe ; et, si je consens à cela, c’est par intérêt pour vous, car mon équipage est complet, ou bien…

— Ou bien ?.

— Vous engager avec la Compagnie des Indes ; et vous savez ce qui vous attend là-bas ?

— Oui, je le sais ; hum ! c’est dur ! Vous m’affirmez qu’il n’y a pas d’autre moyen ?

— Sur l’honneur.

Le jeune homme sembla réfléchir pendant quelques instants ; puis tout-à-coup il releva la tête et répondit gaillardement :