Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/220

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Et il sauta dans la pirogue.

Franck, puisque tel est le nom du matelot, poussa la frêle embarcation à la mer, puis il s’embarqua à son tour.

— Nous retournons à bord ? demanda-t-il en saisissant les avirons.

— Non pas ; tu connais l’anse au Lamentin ?

— Certainement, je la connais.

— Eh bien, c’est là que tu vas me conduire.

— Chien de métier ! grommela le matelot, qui semblait jouir d’une certaine privauté auprès de son chef ; jamais un instant de repos ; toujours bourlinguer jour et nuit.

— Je te conseille de te plaindre ; et les bénéfices ?…

— Oui, je sais bien ; mais ce soir ?

— Eh bien ce soir, voilà deux piastres pour acheter du cognac de France, grognes-tu encore ?

— Non ! c’est bien comme cela, dit le matelot en empochant les deux pièces espagnoles ; ainsi nous allons à l’anse du Lamentin ?

— Oui, et le plus promptement possible.

— Soyez calme, nous y serons bientôt.

Bothwell s’enveloppa soigneusement dans son caban de marin, se coucha à demi sur son banc et sembla s’endormir. Quant au matelot, sans plus d’observations, il commença à nager vigoureusement vers l’endroit indiqué.

L’anse au Lamentin est une baie de médiocre étendue, mais assez profonde, située à l’E. N. E. de Léogane, dont elle n’est, par mer, éloignée que de deux ou trois lieues à peine. Par terre, cette distance est presque triplée.

Les bâtiments d’un très-faible tonnage entrent seuls dans cette baie, dont le fond est d’une parfaite tenue ; les grandes pirogues, les goëlettes et les senauds, s’y abritent et s’y tiennent parfaitement en sûreté ; un fortin en terre, armé de quatre canons en fer de six livres de balles, défendait tant bien que mal l’entrée de cette baie, dont il commandait la passe.

Une colonie de pêcheurs s’était établie depuis quel-