Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/285

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ferma les yeux en murmurant d’une voix faible comme un souffle, et qui entr’ouvrait à peine ses lèvres décolorées, ce seul mot :

— Partie !…

Vent-en-Panne avait épié tous ses mouvements avec la plus sérieuse attention ; il avait entendu le mot prononcé par son matelot ; le vieux frère de la Côte hocha la tête à plusieurs reprises d’un air de mauvaise humeur.

— Quelque sotte femelle lui trotte certainement dans la cervelle, grommela-t-il ! au diable les femmes ! mordieu ! elles ne sont bonnes qu’à tourner à l’envers les têtes les mieux organisées ! je veux savoir à quoi m’en tenir sur ce mystère ! il est temps de mettre ordre à cela ; ce sot enfant serait capable d’en mourir, et cela me ferait peine ; je l’aime, moi, ce brave compagnon !

Il s’approcha alors à pas lents du lit sur lequel gisait le jeune homme, et lui posa la main sur l’épaule.

Celui-ci ouvrit immédiatement les yeux.

— Que veux-tu ? demanda-t-il.

— Savoir ce que tu as ?

— Rien, je souffre.

— Tu mens, tu as un secret.

— Un secret ? moi ! s’écria-t-il en tressaillant.

— Oui et ce secret, je l’ai deviné.

— Toi ? c’est impossible !

— Tu crois ? fit-il avec ironie ; veux-tu que je te le dise ?

— Non ! reprit-il brusquement.

Vent-en-Panne haussa les épaules.

— Tu es amoureux ! reprit-il.

Le jeune homme se redressa, comme si un serpent l’eût piqué, les traits contractés, le visage d’une pâleur mortelle, les regards pleins d’éclairs.

— Quand cela serait ! s’écria-t-il d’une voix sourde.

— Cela est ; répondit paisiblement le frère de la Côte.

— Eh bien ? reprit l’Olonnais avec hésitation.