Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/300

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ner, de désespoir, sa langue aux chiens ; ce que malheureusement se gardèrent bien de faire les curieuses commères des Sables.

Le jeune homme demeura un instant la tête basse ; il réfléchissait profondément.

Vent-en-Panne l’observait, ou plutôt l’épiait à la dérobée.

— Et toi, matelot, demanda l’Olonnais en relevant la tête, et fixant son clair regard sur le flibustier, tu n’as rien appris de plus ?

— Peut-être ai-je découvert quelque chose, fit-il en hochant la tête.

— Ah !

— Oui, mais ce que j’ai su, ne pourra te servir à rien.

— Qui sait ? dis toujours ?

— Tu le veux ?

— Je t’en prie ; tu comprends combien cette affaire m’intéresse ?

— C’est juste ; tu sauras donc que cette nuit-là, le vent soufflait en foudre ; le navire que je montais était vieux ; l’ancrage où il se trouvait était mauvais, de sorte que l’inquiétude me tenait éveillé ; vers minuit ou une heure du matin, j’étais penché sur l’avant, en train d’examiner le câble pour m’assurer qu’il tenait toujours et que nous ne chassions pas, lorsque, tout à coup, j’aperçus un grand lougre noir, aux voiles rouges, portant un fanal à l’avant ; malgré le vent et la mer, il entrait dans la baie, et courait aussi légèrement sur le dos des lames, que s’il eût navigué sur un lac, sans un souffle de brise. Il y avait quelque chose d’effrayant dans les allures de ce sombre bâtiment, à bord duquel on n’apercevait personne ; où l’on ne voyait d’autre lumière, que celle de l’habitacle et du fanal allumé à son avant, glissant comme un fantôme, à travers les navires mouillés sur la rade, et dont la plupart étaient presque en perdition.

— Quel était donc ce navire ?