Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/181

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L’alguazil fit un grand salut à son supérieur et se retira.

— Eh ! eh ! jeunes gens, que se passe-t-il donc ? reprit le jovial magistrat, quand la porte se fut refermée sur son acolyte ; nous nous amusons donc ? nous faisons donc des farces ?

— Nous, señor Juez de Letras ? répondit l’Olonnais, on vous a trompé certainement ; nous sommes des marchands paisibles, entièrement absorbés par le soin de notre commerce.

— Oui, oui, fit-il en se grattant le front, et en fixant sur le jeune homme un regard pétillant de finesse ; votre commerce, je le sais bien ; il doit même vous occuper beaucoup, si ce qu’on m’a rapporté est vrai ; eh ! eh ! qu’en pensez-vous ?

— Je ne sais que vous dire, señor Juez de Letras ; ce matin, mon associé et moi, nous dormions encore, lorsqu’on est venu nous chercher pour nous conduire ici ; ainsi que vous l’a dit votre agent, nous sommes venus, de notre plein gré ; nous n’avons même pas questionné l’homme qui nous conduisait, de sorte que nous ne savons absolument rien, des raisons qui ont pu motiver cette visite ; nous attendons que vous daigniez nous instruire.

— Ainsi vous ne savez rien ? Eh ! eh !

— Rien absolument, señor.

— Ni vous non plus, sans doute ? reprit le juge en se tournant vers Pitrians, qui, jusque-là, était demeuré immobile et silencieux auprès de son ami.

— Moi, señor, je ne sais qu’une chose…

— Ah ! ah ! dit-il en se frottant joyeusement les mains, voyons un peu, laquelle ?

— C’est que je suis marchand ambulant, que je m’occupe activement de la vente de mes marchandises, et qu’en dehors de cela, je mange, je bois, je fume et je chante.

— Ah ! ah ! et vous ne savez rien de plus… Eh ?

— Ma foi non.