Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/194

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leux, de sa volonté devant laquelle toutes les autres doivent se courber. Privée dès ma naissance de ma pauvre mère, morte en me donnant le jour, ma première enfance s’écoula triste et abandonnée aux soins d’esclaves inintelligents et maussades. Aussitôt que je fus assez âgée pour comprendre ce qui se passait autour de moi, ces injustices, ces colères sans motif, ces rigueurs que rien ne justifiait m’effrayèrent intérieurement et faussèrent complètement mes instincts et mes aspirations ; que te dirai-je enfin Lilia, ma chérie ? j’ai peur de ne pas aimer mon père !

— Oh ! Elmina ! quelle affreuse pensée, ce n’est point possible !

— Hélas ! au contraire, querida, cela n’est que trop vrai ; en vain j’ai essayé de revenir sur cette impression fatale de mes premières années, tout fut inutile : j’ai peur de mon père ; son regard seul me fait trembler. Quelque temps après notre traversée de Cuba à Saint-Domingue, traversée pendant laquelle notre vaisseau fut pris par les ladrones de l’île de la Tortue et où nous fûmes si généreusement et si miraculeusement délivrées d’un esclavage terrible, par le capitaine Ourson Tête-de-Fer, tu vois que je n’ai pas oublié le nom de notre libérateur, fit-elle en souriant à travers ses larmes ; tu te le rappelles, mon père fut nommé par le roi, gouverneur de Cartagena de las Indias, tandis que don Lopez Aldoa de Sandoval, ton père,